Coup de coeur

Prendre un avion en temps de confinement

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Ce qui aurait dû être un simple aller-retour est devenu un tour de force, une énorme source d’anxiété mais aussi une belle leçon.

L’angoisse du voyage

Après avoir lu ça et là des commentaires et des retours d’expériences sur la possibilité de prendre un avion en temps de confinement, j’en suis venue à angoisser. Comme rarement. Bfm TV et ses nouvelles anxiogènes ont eu raison de ma sainteté d’esprit. Je me suis fait l’effet d’une immigrée mexicaine qui souhaite passer la frontière américaine. (Notez que je ne suis ni mexicaine ni à la frontière américaine. Je laisse juste voguer mon imagination biberonnée aux séries Netflix.)

Trois jours avant d’embarquer direction Paris, je n’étais pas sereine. J’avais retourné l’idée plus d’une fois dans ma tête. Partir maintenant avant l’obligation d’une quarantaine obligatoire en France le 11 mai ou attendre encore un peu – un peu ne signifiant pas grand chose au vue de l’incertitude mondiale sur l’après.

Je n’ai jamais eu peur de l’avion. J’ai bien parfois eu le coeur au bord des lèvres durant les turbulences. Mais, en règle générale, les aéroports ont tendance à me rassurer. Du bruit, de la foule, des voyageurs qui comme nous voguent vers de nouveaux horizons. Parfois pressés, parfois stressés mais globalement excités par ce qui les attend à l’arrivée. Marcher dans un aéroport vide en temps de confinement, c’est faire une experience étrange. De celle qui nous met pas à l’aise et nous fait sentir qu’on n’est pas du tout à sa place. Tendance imposteur.

Voyager | Confinement | Coronavirus | avion

Vide de sens

L’aéroport de Montréal n’a pas échappé a la règle du confinement stricte. Masques obligatoires, distanciation sociale à respecter, intégralité des duty free fermés… Et devoir se délester de son passeport du bout du doigt, la main tendue vers une vitre en plastique. J’avais préparé et répété mes arguments sur ce qui justifieraient d’un intérêt soudain pour un trajet vers la France. Et retour. On ne m’a rien demandé à l’allée mais on m’a upgrade. Quand je me suis confortablement installée dans mon siège en business, les pieds sur l’accoudoir, à siroter une coupe de champagne, je me suis détendue. Quand on m’a servi mon diner sur une nappe blanche, j’ai eu l’impression d’être ans un grand restaurant. Et damned, cela faisait longtemps. Sandwichs froids et couverts en plastique. Les petits plaisirs simples de la vie.

Je serrais un peu les fesses en passant la douane, me préparant encore et toujours a me justifier. Je ne sais pas si les douaniers ont un tel besoin de laisser couler en période de confinement mais toujours est-il qu’ils ne m’ont rien demandé. À noter qu’aucun contrôle de température n’est effectué mais que comme d’habitude, on fait bien la queue 45min pour passer la frontière. Et pas moins pour atteindre la sortie, sa valise à la main.

“L’enfer, c’est les autres”, disait Sartre.

En ce qui me concerne et dans cette situation précise, l’enfer, c’est surtout l’absence des autres. Mais quand je lis cet article “A vos risques et périls : comment j’ai repris l’avion aux Etats-Unis”, je me dis qu’on ne vit pas tous la même histoire.

Parce que le retour fût moins simple. Passé les quatre (!) contrôles de sécurité, je me suis retrouvée dans un avion vide. Quinze passagers, je les ai comptés, dans un avion qui peut en contenir 300. Effet fin du monde assuré.

Au-delà de la peur d’un désert de voyageurs, on ne peut s’empêcher d’observer ces quelques personnes autour de nous – en se demandant si elles ne sont pas porteuses du coronavirus. Ou si nous-mêmes, ne le sommes pas et risquer de contaminer quelqu’un.

Voyons le verre à moitié plein: j’ai pu traverser la douane sans encombre et passer quelques jours en famille. Et j’en ai reçu deux belles leçons. L’abus des médias est dangereux pour la santé. Il est probablement temps de profiter enfin de ce(ux) qui nous entoure.

Je vous laisse. Je repars me confiner 15 jours 😷